Night Gardens

Allison Blumenthal

12/10/2023 - 29/10/2023




La nuit n’est jamais noire et Allison Blumenthal le sait, l’a vu. Sa série de Night gardens est là qui le montre. Il faut l’imaginer à mezzanottesur un balcon, sans sommeil, devant la nature et la vie végétale qu’elle aime tant. Mais il n’est pas d’insomnie tranquille, sans le serrement du cœur, et la scène est faussement calme. C’est doux et ça ne l’est pas. Ce qu’on voit en vérité n’a même rien d’apaisé et de serein. Ce sont des masses angoissantes, des flux, des formes mêlées, des nœuds, des forces, des tensions. C’est presque brutal ; c’est chargé et dérangeant.

Que peint-elle ? Des jardins. Non pas ceux qu’elle a sous les yeux, le dehors pur, mais ce qui, par contraste, par réaction, ou comme en une révélation, sort d’elle et n’apparaît que de nuit, dans l’inversion des conditions normales de la visibilité. Ses jardins sont sans modèle, sans référence. Ils ne sont ni à la française, ni à l’anglaise. Ils ne sont pas ordonnés à la perfection, tout en agencement, faits de coupes nettes et de symétries ; ils ne sont pas non plus gentiment sinueux, harmonieusement sauvages, ils n’ont rien de pittoresque. Allison Blumenthal est dans l’entre-deux, y compris dans la manière de peindre : entre la structure, une sorte de cadastre et de géométrie, et le flou, l’irrégularité, la décomposition. Ses droites ne sont jamais tout à fait droites, les courbes s’enroulent singulièrement, les formes s’entrecoupent, les épaisseurs et les longueurs varient : rien ne rassure l’esprit qui chercherait ses repères dans l’ordre et la cohérence courante.

On voit des colonnes, des arcades dans ces jardins – à moins que ce ne soit des arbres. Il y a bien une architecture, des arches, des marches d’escaliers, des encadrements, des fenêtres et des zones suspendues, mais autre chose aussi. Il y a de l’organique et de la machine. On voit des organismes vivants, moribonds peut-être, des êtres hybrides, des anomalies ; il y a comme des côtes, des carcasses, des crânes, des thorax, des abcès qui se crèvent, se vident, une énergie inquiétante qui circule ; tout semble osseux et viscéral à la fois, solide et coulant. On voit des tiges, aussi, des tubes, des réservoirs, des pistons, des pompes, des éruptions, des fumées, des instruments et des dispositifs inédits. Chaque fois les toiles sont au point d’indécision, là où l’arrangement se fait et se défait, là où le système se démembre, se tord, lutte contre ou bien vers la désagrégation.

Allison Blumenthal l’a éprouvé during the night. Il est paradoxal pour une peintre de se rapporter à la nuit, puisque la peinture, c’est la couleur – et A. B. y tient, d’ailleurs –, et que l’obscurité paraît l’abolir. Mais elle y répond par la phosphorescence qu’on voit sur les tableaux. La phosphorescence est la couleur de la nuit, qui fait apparaître ce que le soleil occulte. Elle ne libère donc pas seulement sur la toile la douleur et l’inconscient comprimés de l’artiste. Elle est comme une plongée dans les choses qui manifeste dans sa version disloquée, monstrueuse, effrayante, le réel que, de jour, on croit ou voudrait tenir sous contrôle. Face au jardin, dans l’obscurité, la phosphorescence révèle l’autre face des choses, celle de leur vérité violente, sous le masque, qui n’advient qu’à la tombée du jour, comme si la lumière aveuglante de la pseudo-maîtrise, de la pseudo-organisation, au sein du fracas ordinaire, en interdisait la parution. La nuit d’Allison Blumenthal montre ce que l’homme fait au jardin, c’est-à-dire au monde et à la vie. En peignant, elle déclenche la possibilité d’en sortir.


Jean-Baptiste Brenet


 
The night is never black and Allison Blumenthal knows this, has seen it. Her series Night gardens makes this evident. You have to imagine the artist, mezzanotte on a balcony, unable to sleep, looking out to the lush plant-life that she loves so much. But there is no such thing as a tranquill insomnia, without a tightening of the chest, and the scene is deceiving. It is calm, but not. What we are seeing actually is anything but soothing and serene. We have anguished masses, flows, tangled shapes, knots, forces, tensions. It is almost brutal; loaded and troubling.

What is she painting? Gardens. But not the gardens that are in front of her, the pure exterior, but that which by contrast, by reaction, or in a sort of revelation, emanates from her, only appearing at night, in the inversion of normal conditions of vision. Her gardens don’t have a model, nor reference. They are neither French, nor English gardens. They aren’t perfectly organized, neatly arranged, made of clear lines and symmetries; nor are they gently winding, harmoniously wild, there is nothing picturesque about them. Allison Blumenthal is situated in the middle-ground, including in her way of painting: between structure, a sort of cadastre and geometry, and the ambiguous, the irregular, decomposition. Her verticals are never really vertical, curves wind in their singular way, shapes intersect, thicknesses and lengths vary: nothing can reassure the mind that is trying to find its bearings in order and normal coherence.

We can make out columns and arcades in these gardens - unless they are trees. For sure there is a sort of architecture-  arches, steps, frames, windows and elevated zones, but there is also something else. There is the organic and the machine. We see living organisms, or perhaps moribund, hybrid creatures, anomalies; one perceives perhaps ribs, carcasses, skulls, thoraxes, bursting abscesses that empty themselves, a disturbing energy that circulates; everything seems bony and visceral at the same time, solid and runny. There are stems, tubes, tanks, pistons, pumps, eruptions, smoke, instruments and strange mechanisms. The paintings are always on the edge of indecision, where their organization comes together and disintegrates, where the system comes apart, twists, fights against, or perhaps toward its collapse.

Allison Blumenthal experienced it during the night. It is paradoxal for a painter to have a relationship to the night, given that painting is color - which clearly is essential to her - and we think of darkness as obscuring it. But, she responds instead with the phosphorescence that we see in her paintings. Phosphorescence is the color of night that makes visible what the sun obscures. It not only liberates the compressed pain and subconscious of  the artist onto the canvas, but also allows us to dive into all that manifests, in her dislocated, monstrous, frightening version, the reality that we believe to have, or would like to have under control. Facing the garden, in darkness, phosphorescence reveals the other side of things. It reveals their violent truth, behind the mask, which is only visible at nightfall, as if the blinding light of pseudo-mastery and pseudo-organization ruling our chaotic lives during the day prevented its manifestation. Allison Blumenthal’s night makes visible what man does to the garden, meaning, to the world and to life. By painting, she unleashes the possibility of finding a way out. 


Jean-Baptiste Brenet
ouvert du jeudi au dimanche de 14h30 à 19 h et sur rdv
galeriejavaultevapristky@gmail.com
0603844312

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