Gens de Muret

Polaroïds grand format de

Jean-François Bauret

7/11/2023 - 3/12/2023


En 1992, Jean-François Bauret, utilisant le très rare appareil photographique grand format - 50 par 60 cm - créé par Polaroïd, a réalisé dans le Sud-Ouest de la France, dans la petite ville de Muret, une série étonnante de portraits de quelques-uns de ses habitants.
Ces portraits réalisés en studio sur un fond noir dont les figures se détachent nettement, présentent ces inconnus posant très simplement, de face, avec des attributs les caractérisant. Une dame avec une des colombes qu'elle vend au marché ou un joueur avec ses cartes et ses jetons par exemple. Formant ainsi une galerie de portraits comme autant de tableaux des membres d'une singulière famille, les images sont impressionnantes par la chaleur et la puissance des couleurs caractéristiques du procédé Polaroïd, ainsi que par la taille, quasiment grandeur nature, qui place le spectateur directement face au personnage qui souvent le regarde. Ces images rappellent ainsi étonnamment la peinture flamande que J-F Bauret affectionnait particulièrement.
Les photographies sont saisissantes également par le choix des sujets. Montrés avec solennité et pourtant tendresse, les modèles ont tous quelque chose d'étrange, qui tient de personnages de Lynch, quelque chose que J-F Bauret parvient à saisir avec une justesse et un regard profondément humain, caractéristique de son grand talent de portraitiste, qui semble mettre à nu, avec délicatesse, la personnalité de ses modèles.

La galerie Javault - Eva Pritsky présentera une partie de ces polaroïds originaux qui ont été exposés aux rencontres photographiques d'Arles en 1992.


Le grand format Polaroïd

L’utilisation de la chambre grand format 50 x 60 entraîne une attitude très différentes du modèle et du photographe dans la prise de vues étant donné la lourdeur de l’appareil, le prix de l’émulsion et la difficulté technique de son utilisation.
La photographie redevient un évènement qui nous replace au début de la photographie, au retour de la chambre en bois, du voile noir, du soufflet et de la mise au point à la loupe sur le dépoli jusqu’au “ne bougeons plus” de l’appareil à plaque.
Par contre la grande nouveauté consiste dans le regard pratiquement immédiat que nous avons sur l’image (sans oublier l’effet d’un format inhabituel par sa taille).
Le Polaroïd c’est également un autre chromatisme, plus chaud, plus contrasté et qui évoque très légèrement les coloris de la peinture flamande du XVIIe.
Dans l’expérience unique que nous avons réalisé avec la participation des habitants de la ville de Muret en 1991 nous avons senti pendant les prises de vues, qui ont duré une semaine l’authenticité de toutes les personnes photographiées et une grande acceptation d’eux-mêmes et de leur image. Ils ne cherchaient pas et ne s’attendaient pas à être différents.
L’idée de cette exposition a été de représenter une ville photographiquement non par son architecture mais par ses habitants et d’apporter une reconnaissance de leur personnalité. Ils ne recherchaient pas à s’identifier à la vedette de télévision. Ils existaient autrement. Dans l’être et non le paraître. Dans l’essentiel.

Jean-François Bauret, 1992

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À Miss Toulouse
A l’époque j’avais vu et apprécié l’exposition de Jean-Francois à Muret. Il m’avait parlé de ces nouveaux appareils Polaroïds, d’énormes chambres au format humain. Impressionnant !
On était tous un peu jaloux mais c’est lui qui a raflé la mise, il le méritait bien !
Muret était pour moi, toulousain, une petite ville qu’on traversait rapidement en train ou en voiture sans forcément s’y arrêter. Et tout d’un coup, grâce à ses photographies, ses habitants devenaient familiers.
Il les a saisis comme toujours sur un fond uni, à hauteur d’homme/femme, simplement, frontalement sans effets et contorsions artistiques dont étaient friands les photographes à cette époque. Des classiques devenus immédiatement modernes, il fallait le faire !
Jean-Francois a rendu ces anonymes éternels, vivants, présents, la ville dans leurs yeux en même temps que transparait son humanité. Et puis, je dois avouer que je suis tombé amoureux de Miss Toulouse. Comme Jack Kérouac dans le livre de Robert Frank « Les Américains » qui demandait à Robert le numéro de téléphone de la fille qui apparaissait page X, je voudrai celui de cette Miss au bouquet de fleurs et aux yeux bleu-verts ou connaître au moins son prénom. Mais il est sans doute trop tard et je suis trop vieux.

Claude Nori, 2023

ouvert du jeudi au dimanche de 14h30 à 19 h et sur rdv
galeriejavaultevapristky@gmail.com
0603844312

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